En échangeant avec des fournisseurs américains et en consultant de nombreuses études de cas d'entreprises américaines ayant eu du succès sur le web, il est facile pour moi de vous dire que les belles histoires numériques sont beaucoup plus nombreuses aux États-Unis.
Pourquoi ne sommes-nous pas, au Québec, capables de réussir de la même façon et de générer autant de revenus de nos activités web que nos voisins du sud? C'est de cette question dont je traiterai dans cet article!
Je me permets d'abord de soulever l'argument historique de la culture entrepreneuriale pour justifier la propension plus faible des québécois à être des précurseurs sur le web. En effet, la culture entrepreneuriale n'est présentement pas en plein essor au Québec. Selon le Renouvellement de l'entrepreneuriat au Québec, le nombre de québécois entrepreneurs qui se retireront des affaires sera plus grand que le nombre de québécois qui se lanceront en affaires, principalement à cause des facteurs démographiques. Dans le même ordre d'idées, comme le mentionnait M. Jean-Paul Gagné en 2010, le pourcentage de gens ayant l'intention de se lancer en affaires est beaucoup plus faible au Québec que dans le reste du Canada. Finalement, selon la fondation de l'entrepreneurship, la carrière entrepreneuriale est moins valorisée au Québec que dans le reste du Canada :
Bref, ces chiffres démontrent non seulement un intérêt plus faible envers l'entreprenariat, mais également une valorisation plus faible du succès entrepreneurial. Cette faible valorisation de l'entreprenariat tire les ambitions et la vision des entrepreneurs vers le bas, limitant le besoin d'investir sur le web.
Bien qu'aujourd'hui, la grande majorité des québécois utilisent Internet de façon régulière, il faut accorder qu'il ne s'agit pas du peuple le plus précoce en termes d'adoption de la technologie. Par exemple, selon une étude de eMarketer, en 2013, 49% des canadiens français possédaient un téléphone intelligent, contre 66% pour les canadiens anglais. Que l'on parle de particuliers ou d'entreprises, l'adoption de nouvelles technologies se fait traditionnellement avec un certain retard sur nos voisins américains. Toutefois, cet argument devrait constamment perdre du terrain, puisque le domaine du web est de moins en moins une nouveauté technologique et son potentiel est vanté par divers experts depuis déjà plusieurs années.
Au Québec, plus de 90% des PME sont connectées à Internet. Néanmoins, l'utilisation qu'elles en font est souvent plutôt restreinte; en effet, très peu d'applications sont développées par les petites entreprises et encore moins utilisent des outils d'automatisation marketing afin d'entretenir la relation avec clients et prospects. En fait, la majorité des entreprises québécoises ne sont pas conscientes des possibilités qui s'ouvrent à elles avec le web, et c'est probablement le point qui a le plus d'impact sur l'adoption du numérique par les entreprises. Que ce soit pour rejoindre leur public cible, l'engager, le convertir en client, interagir avec celui-ci ou simplement suivre les performances, le web offre une panoplie d'initiatives permettant à une entreprise de créer des opportunités d'affaires !
Ensuite, puisque les entreprises ne sont pas conscientes de l'ampleur des activités possibles sur le web, elles ne jugent pas nécessaire d'investir d'efforts afin d'obtenir des résultats probants. Je connais beaucoup d'entreprises pour lesquelles le filleul du propriétaire s'occupe des médias sociaux et le beau-frère a conçu le site web! Le web est un environnement complet et complexe qui exige des connaissances assez pointues à certains égards et il est important de ne pas prendre pour acquis que quiconque peut obtenir des résultats « parce qu'il connait bien l'informatique ». Ceci étant dit, ces connaissances sont très accessibles à ceux qui désirent mettre des efforts à apprendre les rouages du web!
Pour conclure ce point, les entrepreneurs ayant obtenu du succès sans le web ne sont pas convaincus des bienfaits du web et sont plus hésitants à modifier les façons de faire qui les ont menés au succès. Ils ne valorisent pas l'investissement de ressources pour gérer les plateformes web et ont des attentes peu précises quant aux retombées de leurs plateformes numériques.
J'ai parlé brièvement un peu plus haut de l'ambition des entrepreneurs québécois. Bien souvent, l'ambition des entrepreneurs d'ici est de devenir un leader dans leur domaine à l'échelle provinciale. Il est vrai que le marché québécois est unique et qu'il est important de faire des études avant de développer de nouveaux marchés géographiques, mais les produits et services offerts ici n'ont rien à envier aux produits internationaux et pourraient avoir leur place sur le marché mondial! Le web représente une excellente façon de développer des activités économiques dans de nouvelles régions géographiques, alors plus les québécois seront intéressés à exporter leurs produits et services, plus le web sera un atout vital à l'atteinte de leurs objectifs.
Bref, l'ambition « locale » des entrepreneurs québécois les amène à se fixer des objectifs d'affaires atteignables avec des solutions marketing plus élémentaires, comme le bouche-à-oreille et les références par exemple. Sans m'avancer trop loin dans cette réflexion, je suis persuadé que la portion du chiffre d'affaires allouée au budget marketing des entreprises québécoises doit être plus petite que celle des entreprises américaines (pour une taille d'entreprise et un secteur d'activité similaire).
Le dernier point que j'aimerais amener pour justifier le retard du Québec sur le web est qu'un bon nombre des outils développés afin de faciliter les efforts web ne sont pas conçus pour des marchés bilingues comme le Québec. En effet, si l'on regarde des outils tels que HubSpot, on peut voir qu'aucun contenu francophone n'existe sur leurs plateformes. Ceci représente un défi important pour les entreprises québécoises, qui ont souvent besoin d'une version francophone ou du moins de représentants francophones pour utiliser diverses plateformes web. Tant que les outils les plus performants et les plus utilisés ne seront pas accessibles en français, certaines entreprises québécoises seront hésitantes à les adopter, ralentissant ainsi le virage des entreprises vers le numérique.
Pour conclure, il serait difficile de se limiter à un seul argument pour justifier le retard du Québec au niveau du web. Bien que certains facteurs externes tels le manque d'outils en français peuvent accentuer le retard du Québec, il faut se rendre à l'évidence que c'est en favorisant une culture entrepreneuriale forte et en éduquant les entrepreneurs sur les bénéfices du web que le Québec pourra générer davantage d'opportunités d'affaires par ses plateformes numériques. De votre côté, avez-vous d'autres arguments justifiant pourquoi le Québec est en retard au niveau du web?